Tuesday, 30 September 2025

Affronter le déni : la vérité sur les pensionnats autochtone

Quand Frances Widdowson, ancienne professeure à l’Université Mount Royal, est venue récemment à l’Université du Manitoba et à l’Université de Winnipeg, elle a apporté avec elle un message familier : le doute. Elle a remis en question les tombes d’enfants autochtones retrouvées sur les sites des pensionnats au Canada et a ravivé un récit de déni qui prend de plus en plus de place dans certains milieux.

 

Widdowson, congédiée de son ancien poste pour ses positions controversées sur les questions autochtones, a beaucoup écrit sur ce qu’elle appelle « l’industrie autochtone ». Elle présente l’histoire de la souffrance des peuples autochtones comme exagérée et considère les voix des survivants comme suspectes. Pour certains, elle incarne la liberté académique. Pour d’autres, elle est une voix déterminée à minimiser la vérité.

 


Une vérité vécue

 

La semaine dernière, mon commandant de l’unité militaire Fort Garry Horse, où je sers comme officier, aumônier et gardien du savoir autochtone, a organisé une soirée de réflexion pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Ce soir-là, j’ai parlé de l’expérience de ma famille.

 

Mon père et ma grand-mère ont tous deux fréquenté les pensionnats en Saskatchewan. Leurs vies ont été profondément marquées par ces institutions. Le mal n’était pas abstrait, il était vécu, ressenti et transmis aux générations suivantes. Cela m’a laissé sans-abri lorsque j’étais enfant et ma mère appelait cela « faire du camping ».

 

Comme député en 2015, j’étais présent lors de la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. Nous avons appris alors ce que beaucoup savaient déjà, qu’au moins 4 000 enfants étaient morts dans les pensionnats. Leurs noms ont été consignés et leurs décès documentés. Beaucoup ont été enterrés dans des tombes anonymes sur les terrains des écoles. Le gouvernement fédéral savait que ces enfants mouraient à des taux bien plus élevés que les autres enfants canadiens. Les fonctionnaires ont suivi cette information et ensuite, pendant des décennies, ils l’ont cachée.

 

Faire face aux faits

 

Ceux qui disent « montrez-moi les corps » ignorent les archives. Nous avons déjà des milliers de noms. Nous savons déjà que des enfants sont morts, qu’ils ont été enterrés et qu’ils ne sont jamais rentrés chez eux. Derrière chaque chiffre se trouvait un enfant avec une mère et un père et des frères et sœurs et une famille élargie. Ces enfants étaient aimés. Ils étaient désirés. Ils ont été arrachés.

 

Il est plus facile pour certains de nier que de confronter la complicité du gouvernement et des Églises dans des crimes qui s’étendent sur des générations. Certains s’accrochent à la croyance que leurs institutions religieuses n’auraient jamais pu permettre un tel mal. Mais le déni n’efface pas la vérité. Et refuser de l’affronter déshonore non seulement les enfants mais aussi les survivants qui ont porté leurs récits jusqu’à nous.

 

Au-delà du passé

 

Nous nous disons que ces tragédies appartiennent au « vieux Canada » et qu’une telle chose ne pourrait plus jamais se reproduire. Pourtant aujourd’hui, des enfants autochtones partout au Canada sont encore placés sous la tutelle de l’État à des taux bien, bien plus élevés que les autres enfants. La protection de l’enfance est devenue le nouveau système de pensionnats, en retirant les enfants de leurs familles et de leur culture et de leurs communautés sous prétexte de protection.

 

Ce n’est pas seulement une histoire canadienne. Partout dans le monde, les enfants autochtones demeurent la cible des pouvoirs étatiques. Au Groenland et au Tibet et parmi les communautés ouïghoures en Chine, les gouvernements continuent d’effacer des cultures en arrachant les enfants à leurs racines.

 

Le rôle du débat

 

Faut-il interdire à Widdowson de parler? Je ne le crois pas. La réduire au silence ne réduira pas le déni au silence. Nous devons plutôt la confronter, elle et d’autres comme elle, avec des faits et des vérités vécues et avec les voix des survivants et des familles qui pleurent encore.

 

Quand les négationnistes parlent, ce n’est pas seulement l’histoire qu’ils déforment mais l’humanité des enfants qui ne sont jamais revenus chez eux. Affronter ce déni ne consiste pas seulement à rétablir les faits, cela consiste à veiller à ce que ces enfants ne soient pas effacés une seconde fois.

 

Un appel au souvenir

 

Le 25 septembre, lorsque j’ai parlé de ma famille, j’ai pensé à ces 4 000 enfants dont la vie a été écourtée. Ils ne peuvent pas parler pour eux-mêmes. Nous, les vivants, devons parler pour eux. Nous leur devons la vérité.


L’histoire des pensionnats autochtones n’est pas un sujet de débat. La vraie question est de savoir si nous aurons le courage de porter cette vérité en avant et de veiller à ce qu’aucun autre enfant autochtone ne soit perdu à des systèmes qui continuent de refuser de reconnaître leur valeur. 

 

Rien à voir ici, continuez vos affaires
Les jeunes se blessaient elles-mêmes
Nous avons essayé de les sauver
C’est leur faute, toujours leur faute
Si seulement ils faisaient ce qu’on leur dit 


https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/2195920/pensionnats-autochtones-deni-verite-negation

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